Lors d’un récent séjour dans les Charentes, j’ai eu l’occasion de visiter le château de la Rochefoucault. La « perle » de la Charente est un magnifique château du XIVème siècle, qui domine la Tardoire. Riche d’une histoire importante, il est le siège depuis plus de 1000 ans de la famille de la Rochefoucault. Les collections sont impressionnantes, particulièrement le mobilier et surtout les livres, avec une bibliothèque qui comprend plus de 21000 ouvrages.
Mais je ne vais pas ici vous parler du château en détail. En me promenant dans une des (grandes) pièces du rez-de-chaussée, je suis tombé nez à nez avec un ouvrage qui n’est pas habituel. Le plancher du second niveau est soutenu par des poutres en chêne ou en châtaigner, ornées de deux doucines et d’une longueur d’environ 6 mètres. Deux d’entres elles ne faisaient pas toute la longueur. On peut voir qu’elles sont en deux parties, une d’environ 4,5m et une autre d’environ 1,5m. Le tout assemblé par trait de jupiter avec une clé.
Qu’est-ce que le trait de jupiter ?
Le trait de jupiter est un assemblage de charpente ou de menuiserie qui lie deux morceaux de bois bout à bout pour en faire une pièce plus longue. Il s’agissait d’un assemblage relativement courant dans le passé pour utiliser des bois de longueur moindre ou pour les assemblages qui nécessitaient une certaine solidité et pour lesquels le tenon ou la mortaise n’était pas adaptés (par exemple pour lier des pièces courbes).
Voici des exemples de trait de jupiter :
Trait de jupiter de charpentier
Trait de jupiter de menuisier
Un des traits de Jupiter, qui s’est ouvert dans le temps
Vue des deux poutres
Théories sur la présence de cet assemblage au Château de la Rochefoucault
Mais revenons à notre château. J’ignore si l’assemblage pratiqué dans ces pièces de bois avait pour but de rallonger les poutres ou, ce qui me semble plus vraisemblable, de restaurer ces poutres suite à une pourriture ou une cassure due à un nœud…
Comme me l’a fait remarquer un charpentier, cet assemblage à trait de jupiter dans cette configuration horizontale n’est pas fait pour travailler dans ce sens. On pourrait en voir davantage sur de la restauration de poteau par exemple. Il est également possible que ces poutres soient réemployées et proviennent d’un autre endroit : on aurait alors besoin de les adapter.
Peut-être ces poutres étaient plus courtes à l’origine, afin d’accueillir une trémie d’escalier ? Je n’ai pas la réponse, mais je ne peux m’empêcher d’admirer un tel ouvrage.
Aussi « grossier » soit notre exemple, ce type de travaux reste exceptionnel et nous ne réalisons que trop rarement ce genre d’assemblage, que nos anciens utilisaient beaucoup plus fréquemment. La notion de matière et de temps n’est plus la même aujourd’hui, mais la roue tourne…
Notre reporter a un faible pour les têtes de sanglier…
Un très bel assemblage en effet ! Il m’a fallu 10 ans avant d’avoir effectivement à en réaliser un. Et quand on n’a pas appris au centre de formation à les faire… Ça sort comme ça sort !